Crise sanitaire et paiement des loyers commerciaux.
Crise sanitaire et paiement des loyers commerciaux.
La crise sanitaire et ses conséquences économiques mettent à l’épreuve les entreprises, qui, légitimement cherchent par tous moyens à geler leur trésorerie.
L’un des moyens les plus évidents est le non paiement des loyers, qui apparaît au surplus comme doté d’une certaine légitimité au regard de ce que les locataires qualifient souvent de privation de jouissance.
La question juridique a été abordée par de nombreux juristes, universitaires ou praticiens.
De façon surprenante, et alors que le sujet semble assez simple, aucune position tranchée ne ressort de ces études.
La question de la force majeure, largement invoquée à la fois par les juristes et par le gouvernement est une fausse piste.
Le débiteur qui pourrait être empêché dans la situation actuelle est le bailleur, entravé dans son obligation de délivrance par la fermeture administrative des commerces.
Que cette fermeture constitue un cas de force majeure ou pas ne semble pas véritablement faire débat, et en tout état de cause, la réponse à cette question n’a comme seule conséquence de soumettre ou pas le bailleur au paiement de dommages intérêts en indemnisation du préjudice subi par le locataire.
Cette question est assez théorique tant il paraît évident qu’aucun magistrat ne soumettra l’une des parties au contrat à une telle sanction, au vu du contexte.
En revanche, la question qui demeure et qui ne semble pas emporter une réponse évidente pour tous est celle des conséquence de l’inexécution partielle de ses obligations par le bailleur du fait de cette fermeture imposée.
Les locataires opposent que la destination de leur bail commercial est l’ouverture au public, et que cette destination est empêchée, peu important que le bailleur ne soit pas fautif.
En opposant l’exception d’inexécution, ils pourraient faire valoir que cette exception n’est pas limité à une inexécution fautive.
Du côté des bailleurs, les arguments présentés en faveur d’une obligation à paiement ne nous ont pas semblé particulièrement convaincants, mais ils existent et sont confortés par la position gouvernementale qui, dans une précipitation qui lui fait défaut quand il s’agit de commander des masques, imagine contraindre certains bailleurs à accepter le report des loyers, induisant que ces loyers seraient dus en tout état de cause.
Sur le plan judiciaire, une première tentation des bailleurs sera de saisir le juge des référés du Tribunal Judiciaire.
Celui-ci aura deux options : se déclarer incompétent, au vu de la nature des contestations, ce qui aura pour effet de générer des saisies en masse du Tribunal au fond.
Ou bien se saisir du problème et prendre une décision qui pourrait tarir le contentieux de sa juridiction.
Il existe en effet un texte qui permet de résoudre équitablement la question pour les deux parties, c’est l’article 1722 du code civil qui prévoit que « si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix. »
C’est en application de ce texte que la cour de cassation a jugé (Civ 3eme 17 juin 1980) que « l’arrêt de la fourniture d’eau courante en cours de location, dû à des conditions atmosphériques exceptionnelles et persistantes, constitue une perte partielle par cas fortuit de la chose louée de nature à justifier une diminution du loyer. »
En l’espèce, l’impossibilité de jouir de la chose conformément à la destination du bail pourrait justifier une diminution du prix.
N’oublions pas néanmoins, que le locataire continue d’avoir un usage partiel de la chose, puisque le local est utilisé à usage de stockage ou de bureau.
Une telle décision aurait l’avantage d’être fondée en droit, et équitable.
Equitable car il n’existe aucune raison pour laquelle les bailleurs seraient les seuls à ne pas être impactés par la crise actuelle.
Le juge n’aurait alors qu’à trancher la question du quantum.
Une telle décision notamment à Paris, ou de très nombreux commerces sont concernés, aurait pour effet d’inciter les parties à se rapprocher pour trouver un accord et éviterait un contentieux de masse dont l’intérêt marginal serait faible.
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