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Coronavirus : Saisine du Conseil d’état par le syndicat des jeunes médecins

Coronavirus : Saisine du Conseil d’état par le syndicat des jeunes médecins

Le conseil d’état a été saisi dimanche 22 mars par le syndicat des jeunes médecins dans le cadre d’un référé liberté, afin qu’il soit enjoint à l’état de prendre des mesures visant à un confinement plus sévère.

Sa décision peut être consultée sur ce lien.

https://www.conseil-etat.fr/ressources/decisions-contentieuses/dernieres-decisions-importantes/conseil-d-etat-22-mars-2020-demande-de-confinement-total

Comprendre la procédure.

Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

Le conseil d’état inscrit son intervention dans la sauvegarde du droit à la vie : « Le droit au respect de la vie, rappelé notamment par l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Lorsque l’action ou la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par cet article, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser le danger résultant de cette action ou de cette carence. Toutefois, ce juge ne peut, au titre de cette procédure particulière, qu’ordonner les mesures d’urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale. Le caractère manifestement illégal de l’atteinte doit s’apprécier notamment en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a, dans ce cadre, déjà prises. »

Dans un premier temps se posait la question de la « recevabilité » de la requête au regard du droit à agir du syndicat.

Le Conseil d’état juge que le syndicat justifie d’intérêts suffisants pour agir, et valide également les interventions de l’inter-syndicat national des internes et du Conseil national de l’Ordre des Médecins, ainsi que celles d’un simple particulier, Monsieur Le Mailloux.

Puis, le Conseil d’état rappelle que, dans le cadre de ses pouvoirs propres, le premier ministre peut édicter des mesures de police applicables sur l’ensemble du territoire en particulier en cas de circonstances exceptionnelles.

Plus spécialement, en application de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique : «En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l’intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population./Le ministre peut habiliter le représentant de l’Etat territorialement compétent à prendre toutes les mesures d’application de ces dispositions, y compris des mesures individuelles »

C’est dans ce cadre qu’a été pris l’arrêté du 16 mars 2020, ordonnant des mesures de confinement à l’ensemble de la population avec les exceptions que l’on connaît.

Les maires et les représentants de l’état (préfets) peuvent également prendre, que des mesures plus strictes mais plus limitées territorialement quand le contexte local l’impose.

Ces différentes autorités sont donc amenées à prendre des mesures en vue de sauvegarder la santé de la population et qui ont pour effet de limiter les droits et libertés fondamentales des citoyens comme le droit de réunion, la liberté d’aller et venir, ou la liberté d’exercice d’une profession.

Les requérants soutenaient donc que les mesures prises par le gouvernement, notamment dans l’expression insuffisamment précise et parfois contradictoire des exceptions que prévoit le décret du 16 mars, sont insuffisantes à protéger la vie des population et particulièrement des personnels soignants.

Ils demandaient au Conseil d’état d’enjoindre au gouvernement l’adoption d’un confinement total, l’arrêt des transports en commun, l’arrêt des activités non vitales et le ravitaillement des populations à domicile.

Que répond le Conseil d’état?

Eclairé par le réprésentant de l’état à l’audience, le Conseil d’état juge qu’un confinement total de l’ensemble de la population ne peut être adopté, en raison des moyens dont l’administration dispose, sauf à risquer de graves ruptures d’approvisionnement qui seraient elles mêmes dommageables pour la santé des populations.

En outre, le Conseil d’état rappelle que l’activité des soignants nécessite que soient maintenus les infrastructures indispensables à leurs déplacements;

Ainsi, le gouvernement, en n’ordonnant pas un confinement total, n’a pas fait preuve d’une carence grave et manifestement illégale (article 521-2 du code de justice administrative cité plus haut).

En revanche, sur le « renforcement des mesures actuelles « , le conseil d’état juge que « En l’état actuel de l’épidémie, si l’économie générale des arrêtés ministériels et du décret du 16 mars 2020 ne révèle pas une telle carence, celle-ci est toutefois susceptible d’être caractérisée si leurs dispositions sont inexactement interprétées et leur non-respect inégalement ou insuffisamment sanctionné. »

En somme, Le conseil d’état juge que l’imprécision de certaines parties du décret, l’ambiguïté des exceptions visant les sorties pour motif de santé ou des déplacements brefs) est de nature à constituer une carence grave et manifestement illégale.

C’est dans ces conditions qu’il enjoint le Premier Ministre et le Ministre de la Santé à :

  • préciser la portée de la dérogation au confinement pour raison de santé
  • réexaminer le maintien de la dérogation pour « déplacements brefs à proximité du domicile » compte tenu des enjeux majeurs de santé publique et de la consigne de confinement ;
  • évaluer les risques pour la santé publique du maintien en fonctionnement des marchés ouverts, compte tenu de leur taille et de leur niveau de fréquentation.